Évocation de la comtesse Greffulhe au Palais Galliera

La Mode retrouvée, les robes trésors de la comtesse Greffulhe Palais Galliera - Mode d'Hier et d'Aujourd'hui

Comme je vous le disais en début de semaine, j’ai eu la chance d’être invitée jeudi dernier à l’inauguration de la nouvelle exposition du Palais Galliera « La Mode retrouvée  : Les robes trésors de la comtesse Greffulhe » qui est à l’affiche jusqu’au 20 mars 2016.

J’étais vraiment très très contente de recevoir mon carton d’invitation et j’avais hâte de la découvrir. Contrairement à certaines connaissances du milieu du costume qui n’avaient pas aimé l’exposition Jeanne Lanvin, j’avais trouvé au contraire qu’elle était efficace et j’y avais pris beaucoup de plaisir. Je suis un peu plus mitigée concernant cette exposition.

Exposition La Mode retrouvée de la comtesse Greffulhe au Palais Galliera
Vue de l’exposition (un peu floue)

Quand la comtesse prend vie

L’exposition s’attache à présenter pour la première fois au public une partie de la garde-robe extraordinaire de la comtesse Greffulhe que ses descendants ont donné au Palais Galliera. Personnage intriguant, la comtesse a été follement admirée en son temps par nombre de personnalités remarquables comme Marcel Proust ou Gabriel Fauré (qui lui a dédié le morceau Pavane) et l’exposition rend assez bien compte, à mon sens, du personnage qu’elle était. Les riches toilettes, les photographies, les documents d’archives (comme ce testament qu’elle a rédigé très tôt après la mort de sa mère), les extraits d’œuvres qu’elle a inspirées, tout ceci produit un portrait kaléidoscopique assez poétique de cette personnalité qui semblait vraiment hors du commun.

photographie comtesse Greffulhe
Paul Nadar, 1883
Portrait de la comtesse Greffulhe dans la robe de son arrière-grand-mère Mme Tallien
Papier albuminé collé sur carton (BNF)

Muse de Marcel Proust qui a créé le personnage de la Duchesse de Guermantes à son image dans À la recherche du temps perdu, la comtesse Greffulhe (dont je n’avais jamais entendu parler) semblait vraiment extraordinaire et c’est assez émouvant de la voir bouger dans ce morceau de film tourné sur son balcon qui est projeté dans l’exposition.

visite vers 1885 de la comtesse Greffulhe Galliera
Visite non griffée vers 1885
Sergé de soie beige brodé de fils de soie mastic, galon de passementerie à effilés en soie marron et jaune, glands en bois couverts de soie marron, beige , et jaune, cordonnet de soie marron et jaune, ruban cannelé. Doublure en sergé de soie vert kaki pâle

Pourtant il me semble que l’exposition passe un peu à côté de son propos. Dans le dossier de presse (dont je vous conseille la lecture ici), les goûts originaux voire excentriques de la comtesse en matière de mode sont beaucoup évoqués sans qu’il ne soit possible pour le visiteur moyen de comprendre en quoi. On nous dit que les robes de la comtesse Greffulhe sont comme les toiles qu’elle n’a pas peintes ou les musiques qu’elle n’a pas composées, mais ce processus de création est, je trouve, trop peu (ou trop maladroitement peut-être) mis en avant. Par ailleurs, il me semble assez peu efficace de ne montrer que des toilettes extraordinaires pour faire comprendre à un public non habitué qu’elles sont effectivement extraordinaires. Les expositions de mode étant assez largement tournées vers le luxe et les toilettes d’exception, je ne vois pas comment on pourrait avoir une idée juste de la mode d’une époque sans donner au moins une idée des coupes et des matières du quotidien. Pour que la comtesse puisse effectivement briller, il aurait fallu peut-être davantage la comparer à ses contemporaines (même si Proust estime qu’elle est incomparable puisqu’il n’existe personne d’autre comme elle).

manteau années 1920 de la comtesse Greffulhe
Vue de l’exposition.
Au fond manteau vers 1920 de Vitaldi Babani
mousseline de soie noire imprimée rouge, vert, et violine, et brochée de fils métallique or. Cordonnet en fils de soie noirs et fils métalliques or. Bouton en verre. Doublure en satin de soie mastic.

Pour moi le Palais Galliera ne nous offre pas ici une exposition de mode, mais l’évocation d’une personnalité. L’évocation fonctionne, la magie a opéré sur moi, mais le contenu est, lui, malheureusement absent.

manteau 1925 de la comtesse Greffulhe Palais Galliera
J’ai été très étonnée par la date de ce manteau :
Philippe et Gaston, vers 1925
Manteau
taffetas de soie noir, doublure en taffetas de soie beige.

Des robes dans la pénombre

Le gros point noir de l’exposition, souligné par toutes les personnes avec qui j’en ai discuté, est sans conteste l’éclairage. Les cartels des robes sont posés au sol ce qui oblige à se pencher très bas (et pourtant je suis petite) et de côté sous peine de faire de l’ombre. Le confort de lecture des cartels est donc très mauvais et les robes elles-mêmes sont assez mal éclairées : on peut tourner autour d’une robe de jour de 1887, mais le dos n’étant pas éclairé on ne voit pas grand chose. C’est dans la première salle que l’éclairage est le plus désagréable cependant, j’ai l’impression qu’il s’améliore un peu dans les salles suivantes.

Robe 1900 Beauchez de la comtesse Greffulhe
Beauchez, robe du soir, vers 1900
Velours de soie bleu nuit et marron, dentelle mécanique, mousseline de soie et tulle écrus, broderies de perles et paillettes.
Copyright : Julien Vidal / Galliera / Roger-Viollet
robe du soir 1900 de la comtesse Greffulhe au Palais Galliera
La même dans l’exposition
Détail de la robe Beauchez.
Détail de la robe Beauchez.

Je précise ici que j’ai visité l’exposition de nuit et que c’est peut-être un peu moins pénible de jour (raison pour laquelle j’aimerais y retourner un dimanche matin). Si vous vous rendez au Palais Galliera pour voir l’exposition, je vous conseille donc, dans le doute, de le faire en journée.

corsage 1880 comtesse Greffulhe
Corsage non griffé vers 1880-1885
dentelle de soie noire type Chantilly, tulle de soie noir, broderies de perles de verre noir imitant le jais
Corsage 1880 comtesse de Greffulhe dos
Dos du corsage

En définitive je suis assez partagée sur cette exposition, que j’ai trouvée poétique (j’ai vraiment eu plaisir à retrouver des extraits de la Recherche et de Pavane parce que ce sont deux œuvres très chères à mon cœur), mais qui me frustre un peu dans son contenu. Depuis la réouverture du Palais Galliera et les trois expositions que j’y ai vues (Les années 1950, Jeanne Lanvin et celle-ci) je commence à avoir envie d’un peu plus de dimension dans les expositions proposées par le musée, c’est-à-dire davantage de contenu scientifique et peut-être un peu moins de spectacle et de belles robes pour les belles robes. L’intérêt d’une exposition temporaire est, à mon sens, de donner à voir sous un jour nouveau et d’adopter un angle sinon inhabituel du moins qui questionne le visiteur. J’espère donc que ce désir sera entendu dans les expositions futures. 😉

 

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[EXPO MODE] Déboutonner la mode aux Arts Décoratifs

habit 18e brodé en pièces, musée des Arts Décoratifs

Profitant d’un rendez-vous au musée des Arts Décoratifs jeudi dernier, j’ai visité l’exposition « Déboutonner la mode » (jusqu’au 19 juillet 2015) dont j’avais entendu du bien. Vous vous souvenez peut-être de ma critique de l’expo « L’impressionnisme et la mode » et du fait que je suis assez difficile à satisfaire en termes d’expositions, que ce soit de mode ou d’autre chose, et celle-ci ne fait pas exception.

L’expo des Arts Décoratifs a en effet des qualités (surtout sur la première partie jusqu’aux années 1910), mais elle ne m’a pas complètement satisfaite. Précisons que je l’ai visitée dans des conditions un peu bruyantes (il y avait un groupe en même temps que moi dans la salle) ce qui n’aide pas vraiment à se concentrer et à apprécier la problématique et la façon dont elle est mise en place. Néanmoins il y a de très très belles pièces (notamment ce fabuleux jupon XVIIIe brodé du Kyoto Costume Institute – malheureusement pas trouvé sur le site – et des pièces d’habits à la française brodées, mais pas encore montées) et des boutons divers très très beaux et originaux.

habit 18e brodé en pièces, musée des Arts Décoratifs
Habit 18e en pièces. Les boutons sont brodés par le brodeur en même temps que le reste de l’habit avant de le tailler.
habit 18e brodé en pièces, musée des Arts Décoratifs
Habit 18e en pièces. Les boutons sont brodés par le brodeur en même temps que le reste de l’habit avant de le tailler.

Malgré la circulation toujours un peu confuse dans les espaces d’expositions temporaires du musée des Arts Décoratifs, le parcours est à la fois chronologique et thématique et met en lumière la diversité des boutons en termes de matériaux, d’artisanat et de décorations. Cette grande variété et les différentes modes de boutons du XVIIIe au XXe siècles sont vraiment intéressantes et la première partie de l’exposition est à la fois foisonnante et claire dans son discours.

gilet homme 1880-1900
Gilet, 1880-1900.
(désolée pour le manque de précisions de la légende, mais ma photo du cartel est complètement floue) :-/
gilet d'homme 19e siècle
Gilet d’homme, démarcation des tissus.
gilet mode homme 19e siècle
En haut gilet à col châle, en bas gilet.
gilet homme col châle
Gilet à col châle, (date illisible sur ma photo)

Une analyse de la société par le vêtement encore trop peu présente

Les pièces exposées commencent, il me semble au XVIIIe siècle (je me trompe peut-être) et se concentrent sur les vêtements très riches (le bouton étant un accessoire luxueux). J’ai trouvé un peu dommage de ne pas montrer l’alternative aux boutons sur les vêtements populaires surtout que c’est aujourd’hui pour nous difficile d’imaginer ce qui pouvait remplacer les boutons sur des vêtements.

robe de mariée 1882
Robe de mariée, 1882, Les Arts Décoratifs, collection UFAC
robe de mariée 1882
Détail de l’ourlet, Robe de mariée, 1882, Les Arts Décoratifs, collection UFAC
caches-corset 1880
Deux cache-corset 1880.
Cache-corset et pantalon 1880
Cache-corset et pantalon 1880
robe d'après-midi 1870
Robe d’après-midi en trois parties vers 1870
bottines 1900
Bottines 1900 (ou 1880, j’ai un doute) et tire-boutons
robe de courses 1913
Photographie modèle de Dukes, Studio Talbot, 1913.
Costume pour les courses, Les Arts Décoratifs >> inspiration pour reprendre ma tenue 1914

La deuxième partie de l’exposition (à partir des années 1950 surtout) m’a beaucoup déçue (malgré quelques très belles pièces) parce qu’elle délaisse totalement la dimension sociale du vêtement par le bouton pour se concentrer sur l’utilisation des boutons dans la Haute Couture. Comme souvent les expos de mode post deuxième guerre mondiale se concentrent exclusivement sur les maisons de luxe en oubliant totalement le vêtement quotidien et en l’occurrence l’utilisation du bouton dans ce vêtement. La deuxième partie de l’expo, que j’ai trouvée assez inutile pour le propos général, est simplement un prétexte pour montrer des belles robes, ce qui n’est pas déplaisant, mais un peu agaçant. Je rêve de plus en plus d’une exposition de mode de la deuxième moitié du XXe siècle s’attachant à l’habillement quotidien et à ses implications sociales (je ne dis pas qu’il n’y en a pas, mais je n’ai pas vraiment le souvenir d’en avoir vu). De plus, à partir de la fin du XIXe siècle l’exposition oublie un peu le vêtement masculin, qui pourtant n’a jamais cessé d’utiliser des boutons.

Boutons patriotiques arts décoratifs
Boutons patriotiques vers 1944.
robe 1944 Libération Paris
Robe cousue et portée pour la Libération en 1944.

Par ailleurs la toute dernière partie consacrée aux boutons d’artistes m’a un peu laissée sur ma faim. Bref je suis un peu mitigée sur cette exposition. Contente de l’avoir vue, contente d’avoir appris des choses (les boutons illustrés au XVIIIe siècle sont absolument passionnants), mais un peu déçue du traitement qui a été fait de la deuxième moitié du XXe siècle. Je vous conseille néanmoins d’aller la voir si vous en avez l’occasion. Il y a de très belles choses et elle n’est pas dénuée d’intérêt. Notez que, comme toujours pour les expos de mode aux Arts Décoratifs, il y fait très sombre. Une nécessité pour protéger les tissus très sensibles à la lumière, mais peut-être faudrait-il en informer les visiteurs, qui ne peuvent pas le deviner.

Robe Dior années 1950
Robe Dior années 1950
Robe Dior 2013
Robe Dior 2013
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