Que porte-t-on sur les robes en 1880 ? Tentative de typologie
Bonjour à toutes et tous ! J’ai mis un peu de temps à me poser pour vous écrire cet article, qui vous semblera peut-être un peu rébarbatif, mais qui me paraît à moi très important pour reprendre mon projet de garde-robe 1880. Actuellement en pleins travaux j’ai un peu de mal à continuer les travaux d’aiguille et la recherche sur le costume, mais j’essaye !
J’avais déjà publié un article sur les mantelets, paletots, pardessus etc. en 1880, dont j’avais recensé presque toutes les occurrences dans les numéros de la Mode Illustrée afin de pouvoir en tirer une sorte de typologie. L’article est assez vieux et je n’avais pas pris le temps de me pencher dessus depuis, mais je remercie la moi du passé qui s’était coltiné ce boulot, qui m’est bien utile aujourd’hui, tandis que mes Mode Illustrée sont encore en cartons loin de moi.
À ma première lecture des magazines de 1880, j’avais été frappée par l’importance des vêtements d’extérieurs. C’est une chose à laquelle je n’avais jamais songé tant il me semble que nous sommes habitués, dans le milieu du costume historique, à nous arrêter à la couche de la robe pour les sorties. Pourtant il semble tout à fait logique que nos ancêtres aient aussi porté des manteaux, surtout quand on se rappelle que des hivers rigoureux ont été assez glacials pour geler la Seine à Paris… Pour autant le vêtement d’extérieur est loin de se cantonner aux seuls mois d’hiver. En effet, dans le magazine Mode Illustrée sur toute la période 1880, les représentations de robes, en extérieur, sans vêtement porté par dessus sont assez rares toute l’année, ce qui semble en soi le signe que les femmes ne sortaient pas juste en robe, mais les accompagnaient toujours de quelque chose, de la même façon que nous accompagnons nos tenus modernes de vestes ou de manteaux.
Cette impression visuelle est confirmée par les textes d’Emmeline Raymond, très prescripteurs sur ce qui doit être porté ou non et en quelle circonstance. Même s’il faut prendre ces prescriptions avec des pincettes (les représentations de magazines n’étant jamais complètement équivalentes à ce qui est porté dans la réalité), il me paraît tout de même impossible de ne pas se pencher sur cette question des vêtements d’extérieurs, plus particulièrement quand on ambitionne de se coudre une garde-robe complète comme c’est mon cas.
Ce que je me propose de faire dans cet article c’est d’établir une typologie des vêtements d’extérieur recensés dans la Mode Illustrée de 1880 avec les principales caractéristiques que j’ai tirées de l’observation des illustrations et des textes. Pour le moment je n’ai pas la possibilité d’approfondir cette typologie avec l’étude plus précise de patrons, mais je pense que cet exercice peut d’ores et déjà avoir son utilité en l’état. Je vous encourage bien sûr à prendre cette typologie avec des pincettes puisqu’elle reflète ce que je crois comprendre aujourd’hui (et je peux toujours me tromper), mais aussi parce que je ne me base pour l’instant que sur les reproductions de mon précédent article de 2014. Je n’ai pas encore la possibilité d’étendre cette recherche, considérez donc cet article comme un work in progress qui a pour but de commencer à débroussailler cette question des vêtements d’extérieur en 1880. N’hésitez pas à me corriger si vous disposez d’éléments supplémentaires.
Une typologie des vêtements d’extérieur en 1880
La visite
On trouve des occurrences de la visite dans les numéros de mars, avril, juillet, octobre, novembre et décembre, soit un vêtement qui se porte tout au long de l’année avec des variantes de coupes selon les saisons et les occasions. Il me semble que l’on peut tirer plusieurs observations :
- le plus souvent la longueur de la visite descend sous les hanches. Elle peut être plus longue et est alors qualifiée de « grande visite »
- le dos me paraît le plus souvent ajusté à la taille avec des découpes « princesse », mais le devant semble ballant
- les manches sont larges, ce que j’appellerais aujourd’hui des manches « pagode », terme qu’il ne me semble pas avoir lu dans les magazines d’époque.
On apprend dans le numéro du 7 novembre 1880 que la visite en tartan se porte le matin ou les jours de pluie, mais qu’elle s’associe à des toilettes « de négligé », des toilettes avec lesquelles on ne sort vraisemblablement pas dans le monde donc.
Le mantelet
Mantelet de printemps (devant), La Mode Illustrée, 14 mars 1880. Mantelet en drap scotland (dos), La Mode Illustrée, 3 octobre 1880.
En toute honnêteté je distingue peu de différences entre le mantelet et la visite, qui me semblent avoir les mêmes caractéristiques stylistiques. On trouve des mentions du mantelet dans les numéros de mars, avril, mai, juin, juillet, septembre et octobre, c’est donc un vêtement pour des températures plus douces. En été, le mantelet se porte en gaze de soie noire. Dans le numéro du 18 avril 1880, Emmeline Raymond déclare qu’une toilette d’après-midi doit toujours s’accompagner d’un mantelet grand ou petit.
La sortie de bal
Je n’ai photographié que deux occurrences de sorties de bal sur l’intégralité des numéros de l’année 1880, ce qui est trop peu pour déterminer des caractéristiques stylistique, même si la forme fait, là encore, penser à la visite. La saison des bals me paraît courte, surtout concentrée en janvier et février et ces événements semblent assez secondaires dans les conseils donnés par Emmeline Raymond, signe que son lectorat ne doit pas passer sa vie dans des bals.
Le manteau
Manteau de voyage et de pluie en cheviot (devant) (à droite), La Mode Illustrée, 18 avril 1880. Manteau en satin à la reine, La Mode Illustrée, 17 octobre 1880.
On trouve des occurrences de manteaux en mars, avril, mai puis septembre, octobre, novembre et décembre, ce qui me fait penser qu’il s’agit plutôt d’un vêtement que l’on porte en saison froide et pluvieuse, mais il existe malgré tout de petits manteaux à capuchon que l’on appelle « capucins » qui sont à la mode en juin 1880.
La longueur paraît variable de mi-cuisses à mi-mollets voire chevilles, en passant par les genoux. Les manches sont plutôt larges et droites au niveau des poignets, parfois très longues comme les exemples ci-dessus. Le magazine mentionne plusieurs types de manteaux, notamment les manteaux de voyage ou les manteaux « ronds ».
La coupe me paraît plus « tailleur » que la coupe des visites ou mantelets, mais pas particulièrement ajustée. On trouve plusieurs types de cols, chemisier ou officier, avec souvent un petit empiècement rapporté sur les épaules.
La pelisse
Pelisse en satin merveilleux (devant), La Mode Illustrée, 7 novembre 1880. Pelisse en satin merveilleux, toilette d’hiver, La Mode Illustrée, 7 novembre 1880.
Je n’ai trouvé qu’une seule occurrence de pelisse dans un numéro de novembre, donc là encore difficile d’établir ses caractéristiques. Je la mentionne quand même, mais notez que sa quasi absence est le signe d’un relatif désintérêt de la mode pour ce type de modèle en 1880. Il s’agit peut-être d’un vêtement très à la mode les années précédentes mais tombé en désuétude ou alors un type de vêtement rarement porté, seulement en certaines occasions ou par une population limitée (les dames âgées par exemple). Bref, je n’en sais strictement rien ! ^^
La pélerine
Pélerine en sicilienne, La Mode Illustrée, 20 juin 1880. Costume simple en lainage avec pélerine, La Mode Illustrée, 23 mai 1880.
La pélerine est une petite cape qui arrive en général au niveau du coude, mais il existe aussi des longues pélerines qui descendent jusqu’aux hanches. On en trouve des mentions dans les numéros de mai, juin et septembre, ce qui en fait un vêtement pour les températures plutôt douces. En juin 1880, elle est à la mode avec capuchon au même titre que le capucin évoqué plus haut. Une pélerine me semble pouvoir être adjointe à un pardessus, un manteau ou un paletot.
Le pardessus
Pardessus de printemps (devant), La Mode Illustrée, 7 mars 1880. Pardessus de printemps (dos et devant), La Mode Illustrée, 21 mars 1880.
Le pardessus est le vêtement pour lequel on trouve le plus de mentions dans les textes au point que je me suis demandée s’il n’était pas aussi un terme générique utilisé pour parler des vêtements d’extérieur en général. Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question pour l’instant, voici donc ce que je peux vous dire du pardessus :
- Il est fait mention de pardessus dans les numéros de janvier, mars, avril, octobre et décembre, il se porte donc tout au long de l’année, mais l’on peut s’en passer en plein été (l’autorisation est donnée dans un numéro d’août), il est dans ce cas remplacé par une visite ou un mantelet, ou même un fichu si vraiment il fait excessivement chaud.
- C’est plutôt un vêtement réservé aux jours pluvieux et frais, notamment quand il est en cachemire noir, qui se porte le matin ou l’après-midi pour les courses à pied ou pour aller à l’église. Néanmoins, quand il commence à faire très froid, le pardessus est remplacé par les manteaux d’hiver.
- En septembre, on apprend que le pardessus a la forme d’une grande visite à manches larges et capuchon.
- Stylistiquement, j’ai l’impression que le pardessus a en général une longueur mi-cuisses et qu’il n’est pas ajusté. Notez qu’en décembre 1880, Emmeline Raymond écrit que plus les pardessus sont courts et ajustés moins ils sont parés, et plus ils sont longs et amples, plus ils sont parés. En gros pour faire une course rapide on porte un petit pardessus court et pratique tandis que pour aller chez ses copines, on en met un plus long et large. Je trouve cette distinction très intéressante parce que complètement à l’opposé de ce que j’aurais pu imaginer.
- Il est recommandé de garnir l’encolure des pardessus avec de la dentelle ou du tulle pour remplacer la lingerie de la robe masquée par le pardessus. À mon avis ce conseil peut s’appliquer à tous les types de vêtements d’extérieur.
Le paletot
Paletot en drap pour jeune fille, La Mode Illustrée, 26 décembre 1880. Paletot en drap béarnais, La Mode Illustrée, 17 octobre 1880.
On trouve quelques occurrences de paletots en mars, puis surtout en octobre novembre et décembre. Dans un numéro de novembre 1880, Emmeline Raymond annonce le grand retour du paletot, surtout pour les jeunes filles qui trouvent que la visite fait un peu trop « dame ».
Stylistiquement, je trouve que le paletot est ce qui se rapprocherait le plus d’un manteau d’aujourd’hui. Il a une coupe ajustée et des manches relativement étroites, ainsi que souvent un col large ou une pélerine intégrée. La longueur classique me paraît être à mi-cuisses, sauf pour les paletots de demi-saison qui sont plus courts juste sous les hanches. Il paraît également avoir souvent des poches, ce que je ne distingue pas sur les autres types de vêtements.
Le waterproof
Deux waterproofs, La Mode Illustrée, 3 octobre 1880. Waterproof, La Mode Illustrée, 12 septembre
Pour finir, il n’y a que trois occurrences de waterproof, dans les numéros de septembre et octobre 1880. Comme son nom l’indique, le waterproof est un vêtement de pluie. Il a une forme longue jusqu’au chevilles, une coupe plutôt ajustée avec des découpes princesses et des manches plus ou moins ajustées au poignet, mais en tout cas pas aussi larges que les manches des manteaux ou visites.
Voilà pour cette première tentative de typologie des vêtements d’extérieur les plus répandus en 1880. J’espère qu’elle vous sera utile. En ce qui me concerne je projette de me coudre un mantelet de demi-saison dans le reste d’un mélange coton/soie noir pour accompagner ma toilette d’après-midi. Le tissu a été lavé avant mon déménagement, ce sera donc peut-être un projet de mon été.
N’hésitez pas à compléter cet article de vos propres recherches. Il faudra sans doute que je revienne sur le sujet pour vous parler ornementation, mais ce n’est pas pour tout de suite. ^^ D’ici là, portez-vous bien et bonne couture !
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