Les goûts et les couleurs
Lorsque j’ai participé au jeu de rôle grandeur nature où j’ai porté ma tenue 1880 à carreaux et mon bonnet de dame âgée, j’ai eu plusieurs plaisanteries sur le fait que le bonnet n’était pas très seyant. Une fois les photos publiées, d’autres amis m’ont également fait la même remarque et cela m’a frappée. Étais-je donc la seule à n’émettre aucun jugement esthétique sur ce bonnet ? Ni beau ni moche, pour moi ce bonnet était un accessoire qui marquait l’âge de mon personnage et qui n’avait aucune répercussion sur mon visage, qui n’est pratiquement jamais maquillé dans la vie de tous les jours et que j’ai l’habitude de voir comme ça quotidiennement (hormis le fait que je porte la plupart du temps des lunettes).
Cela m’a amenée à m’interroger sur le goût et son évolution par l’habitude. Quand j’ai commencé à coudre des costumes historiques il y a environ 5 ans, il y a un certain nombre de périodes qui ne m’attiraient pas du tout : la période romantique (les grosses manches + bouclettes de 1830), la période 1890 que je trouvais moins élégante que les décennies précédentes et suivantes, la période 1660, la période élisabéthaine, etc. Cette non-attirance était liée à mes goûts et si je ne voulais pas me coudre des vêtements de cette période c’est tout simplement parce que je ne les trouvais pas beaux. Mais le beau c’est quoi ? Le beau, c’est une valeur construite par la société dans laquelle on vit et qui nous est imposée par tout un tas de stimuli extérieurs. Il suffit d’observer comme notre propre goût évolue au fil du temps et de la mode pour comprendre que le goût c’est surtout une question d’habitude : à force de voir partout certains types de vêtements, on finit par s’y habituer, voire à les aimer. Par exemple, j’ai fini par mes mettre à aimer les leggings et les Uggs. Même les birkenstocks ne m’inspirent plus le dégoût que j’avais pour elles auparavant (sans pour autant les trouver follement élégantes, il ne faut pas exagérer).
Avec le costume historique, cela a été exactement pareil. À force de voir des reproductions de vêtements de ces époques qui dissonaient par rapport aux formes généralement considérées comme belles par la société, j’ai fini par m’y habituer et par leur trouver une réelle beauté.
Je ne raconte là rien de bien extraordinaire, mais il me semble important de le garder toujours à l’esprit dans sa vie de tous les jours et qui est loin de ne s’appliquer qu’aux seuls vêtements : rien n’est laid. Tout est beau dès lors qu’on le regarde avec un œil « neuf » qui essaye de s’extraire des commandements plus ou moins sournois de la société dans laquelle on vit (même si on est d’accord que l’exercice peut parfois être difficile).
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Je me retrouve tout à fait dans ce que tu viens d’écrire, et j’ai également remarqué que dans le domaine histo en particulier, plus j’avais l’oeil « entrainé » et des connaissances dans une période, plus j’appréciais la mode de l’époque, alors que ce n’était pas le cas lorsque que j’étais « novice » dans la période concernée (le 1830 par exemple !). En somme ça rejoint ce que tu dis, oeil plus entrainé = habitude.
Oui, et ce qui est intéressant c’est que ça permet de remettre un peu les choses en perspective concernant le reste de nos jugements esthétiques !