[LIVRES] Garde robe Natural Form

Fashion of the Gilded age vol 1

Je suis très silencieuse en ce moment et je ne couds pas beaucoup, mais je n’ai pas abandonné les costumes (je peux même dire que j’y pense constamment) et j’ai fait l’acquisition, tout récemment, de deux livres qui vont jouer un rôle important dans mes recherches sur le garde-robe des femmes en 1880.

Il s’agit de deux tomes d’un livre de Frances Grimble retraçant tous les éléments d’une garde-robe pendant la période qu’on appelle aujourd’hui « natural form » (notez que pour le moment je n’ai pas rencontré de traces qui prouve que l’appellation est historique et j’avoue que j’en doute un peu) c’est-à-dire la période allant de 1877 à 1882. Cette période vestimentaire se caractérise par une découpe moulant la taille et les hanches (ce que l’on appelle la découpe « princesse »). Il est important de noter qu’entre 1877 et 1882 la forme générale des tenues a légèrement évolué.

Fashion of the Gilded age vol 1
Frances Grimble, Fashions Of The Gilded Age: Undergarments, Bodices, Skirts, Overskirts, Polonaises, And Day Dresses 1877-1882, Lavolta Press, 2004.
Source : Amazon
Fashion of the Gilded age vol 2
Frances Grimble, Fashions Of The Gilded Age: Evening, Bridal, Sports, Outerware, Accessories and Dressmaking 1877-1882, Lavolta Press, 2004.
Source : Amazon

Ces livres sont une vraie mine d’or pour moi parce qu’ils reproduisent des patrons miniatures dessinés dans des journaux d’époque (notamment dans Harper’s Bazaar). Je vais donc pouvoir les utiliser. De plus ces livres brossent toute la garde-robe d’une femme de cette époque et ne parlent pas uniquement des habituelles robes de jour et robes de bal. Pour le moment j’ai plusieurs projets 1880 sur lesquels je pourrai me pencher cet été :

  • une chemise de dessous et une paire de pantalons,
  • un corset piqué de très jeune fille (faisons comme si j’avais 14 ans),
  • une polonaise d’été (d’après un modèle conservé au musée Galliera),
  • une tenue de voyage à carreaux.
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La garde-robe « indispensable » d’une Parisienne en 1880 (2)

jupon 1883 MET

Après avoir consacré une première partie sur les différentes toilettes de la journée présentées par Mme Emmeline Raymond dans Le secret des Parisiennes, je vais revenir sur les éléments annexes d’une tenue (mais absolument indispensables).

jupon 1883 MET
Jupon 1883
Metropolitan Museum New York
Source: OMG that dress !

La lingerie

Par lingerie, Mme Emmeline Raymond me paraît entendre les pièces de linge qui dépassent de la tenue comme les cols et les poignets. Elle évoque les jupons (dont je parlerai un peu plus bas), mais en aucun cas les chemise de corps, pantalon, corset et tournure. Ici donc elle nous explique qu’il y a une lingerie adaptée aux différentes heures. Ainsi « la lingerie sera entièrement unie pour les toilettes matinales« , tandis que pour les demi toilettes les « cols et poignets sont bordés d’une mignonne bande festonnée et brodée ayant trois quarts de centimètres de largeur. L’élégance de la broderie est tout entière dans sa finesse ». La lingerie qui accompagne les toilettes plus parées est, elle, en batiste ou toile-batiste et mélangée de dentelle de valencienne ou de guipure blanche (avec des papillons, des fleurs ou des arabesques de dentelle en guise de décoration). Encore une fois « le luxe consiste dans l’extrême finesse des dentelles ».

La lingerie des toilettes du soir est, quant à elle beaucoup plus riche, mais il est absolument impensable de montrer « des sous manches de tulle ornées de dentelles et de ruban » le jour dans la rue !

Mme Emmeline Raymond, qui attache une énorme importance à l’économie, nous dit cependant :

« surtout, surtout… point de mesquines économies faites aux dépens d’une netteté scrupuleuse ».

Les accessoires

Selon Mme Emmeline Raymond c’est le soin aux détails qui donne aux toilettes les plus simples un aspect élégant. Ainsi, si l’on fait des économies sur les robes, on n’en fait pas sur les gants, les chaussures et les chapeaux. Des gants « fanés, décousus, qui ont perdu un bouton » sont impensables tout comme il est impensable de sortir avec un chapeau qui ne respecte pas scrupuleusement la forme à la mode.

  • Les gants : le matin, on ne porte surtout pas de gants de nuances trop claires. On préfère des tons bruns et chamois plus ou moins foncés selon que la toilette est plus ou moins élégante. « Les gants blancs et les gants jaune paille ne se portent jamais pendant le jour ». D’ailleurs, « lorsqu’elles vont au spectacle, à quelque dîner ou bien à quelque soirée, elles mettent par dessus leurs gants blancs ou jaune, de gros gants en cachemire lesquels en garantissant leurs mains contre le froid, préservent en même temps la fraîcheur de leurs gants et permettent à ceux-ci de se montrer parfaitement intacts. »
  • Les chaussures : le matin en été, on opte pour des « bottines en légère étoffe de laine gris clair garnies de maroquin gris » ou des bottines en maroquin brun doré. Les bottes, quant à elle, ont eu un succès limité, nous dit Mme Emmeline Raymond, et elles ne peuvent, de toute façon, pas être portées en été.
  • Les chapeaux : selon Mme Emmeline Raymond on peut se contenter de deux chapeaux pour l’été. Quant aux brides, si elles sont trop molles, elle nous conseille de placer une épingle à l’intérieur de chaque boucle pour bien étaler le nœud et le maintenir en place. On ne jette surtout pas un chapeau démodé, on le recoupe ! Ainsi les chapeaux se voient ajouter et enlever des éléments afin de rester toujours à la pointe de la mode. On peut par exemple utiliser un chapeau de visite d’hiver pour remplir le service actif du matin (mais en prenant soin, dans ce cas, de le débarrasser de ses plumes). Les chapeaux, quand ils sont gris ou noir, doivent avoir des rubans ou des fleurs de couleur tranchante pour réveiller le tout.
  • La pointe en dentelle de laine ou de chantilly est, apparemment, idéale pour les toilettes d’été que l’on peut porter sur le pardessus lorsqu’il est identique à la robe. Cependant, il n’est pas question de porter une pointe en dentelle avec une robe qui coûterait moins de 70 ou 80 francs. Elle est donc réservée aux robes en soie, foulard, organdis… Pour le moment je ne visualise pas tellement ces pointes en dentelle, mais je me pencherai sur la question.
  • Le pardessus : Mme Emmeline Raymond nous dit que les paletots et pelisses de taffetas noir vont avec tout, mais qu’ils coûtent cher, elle conseille donc aux bourses légères d’opter pour un pardessus ou un paletot pareil à la robe (dont la garniture est donc la même que celle de la robe).
  • Les sacs : Mme Emmeline Raymond donne aussi des conseils pour porter élégamment un sac ; il faut laisser la poignée reposer sur l’avant bras que l’on ramène contre soi. Non seulement ça permet de rester élégante, mais aussi de garder les mains libres pour un éventuel manchon ou un parapluie (parce qu’à Paris, même en 1880, il pleut beaucoup).
  • Le châle est un basique indémodable. Il ne change pas et peut se porter avec absolument tout. « Les Parisiennes économes portent beaucoup de châles. »

Au niveau des teintes, le même principe que pour les toilettes de jour est observé pour les chapeaux et pardessus.

Les jupons

La partie sur les jupons m’a beaucoup étonnée. Green Martha a écrit un article très intéressant sur les jupons de la période 1890 où elle nous explique que le jupon est loin d’être toujours blanc comme nous pouvons avoir tendance à le penser en tant que costumiers amateurs. C’est également vrai pour la décennie 1880. Mme Emmeline Raymond indique à ses lectrices que les Parisiennes ont au moins deux jupons (en étoffe de laine plus ou moins légère) :

  1. un jupon simple pour la toilette du matin et les jours de pluie : celui-ci est « blanc et noir à rayures ou bien à carreaux avec une modeste garniture en velours ou bien un galon de laine ». Ce jupon est « le jupon de tout le monde ».
  2. et l’autre plus élégant et plus neuf pour les jours clairs et secs et les toilettes de visites : celui là « sera fait en cachemire gris, noir ou blanc, il sera orné de galon cachemire, ou de galon écossais, ou de broderie orientale ou même d’entre deux en imitation de dentelle noire.

Le jupon est d’autant plus important que la mode est aux jupes relevées à la ville, nous dit-elle. Néanmoins la décoration des jupons ne connaît pas de règles et est laissée au libre goût de leurs propriétaires.

Le blanc pour les jupons est délaissé pour les tenues de jour en raison de la boue et du macadam. Le jupon de couleur est donc de rigueur en journée, le jupon blanc ne sort qu’avec les toilettes de soirée et de bal.

Mme Emmeline Raymond nous donne un autre secret des Parisiennes pour rester élégante en toute circonstance, même chargée de paquets : « une poche immense attachée au jupon« . Cette poche de « 50 centimètres de longueur », Mme Emmeline Raymond l’ajoute sur tous ses jupons d’hiver afin de garder les mains libres ! (Et là j’ai envie de dire : merci Mme Raymond !)

Voilà, j’ai fait à peu près le tour de ce livre, qui était une vraie mine d’or. Il ne faut pas prendre pour parole d’évangile tout ce que nous a dit Mme Emmeline Raymond, mais ses prescriptions constituent une bonne base pour se faire une idée précise de la garde-robe d’une femme au début des années 1880. Il me reste de nombreuses choses à étudier, mais ce Secret des Parisiennes m’a déjà donné pas mal à réfléchir.

Tout ce qui est entre guillemets est tiré du livre Le secret des Parisiennes suivi de Mélanges, par Mme Emmeline Raymond, Bibliothèque des Mères de famille, 1883 (2e édition). Source : Gallica.

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La garde-robe « indispensable » d’une Parisienne en 1880 (1)

Promenage costume 1881

Après quelques généralités sur la Parisienne en 1883 vue par Mme Emmeline Raymond (qui n’est pas seulement chroniqueuse, mais aussi rédactrice en chef de la revue « La Mode Illustrée » comme me l’a souligné Green Martha), rentrons dans le vif du sujet : si la Parisienne est l’élégance incarnée, de quoi est donc constituée sa garde-robe et quels sont ses secrets ?

Dans Le secret des Parisiennes, Mme Emmeline Raymond s’adresse aux femmes d’un revenu moyen et nous parle de mode sous l’angle de la morale. Une bonne Parisienne est quelqu’un de raisonnable et économe qui n’est pas victime de la mode, mais pour qui cette dernière n’a pas de secrets.

Promenage costume 1881
Jeunes filles en promenade en 1881. Je ne connais pas l’origine de cette gravure, mais il est possible que je l’ai trouvée sur le blog Femmes en 1900.

Les toilettes de jour

Quand les ressources du ménage sont serrées, il convient d’adopter des couleurs neutres « qui s’accommodent du voisinage de toutes les teintes ». Ce conseil (qui serait toujours valable aujourd’hui) explique « la fortune du noir pour l’hiver » et « des teintes grises et havanes pour toutes les saisons ». Les Parisiennes préfèrent des garnitures simples afin d’être préservées « des bouleversements trop soudains ». Même si la mode, ne change pas si vite que ça.

Quand on habite loin de Paris, on s’imagine volontiers que la mode change chaque jour, et que l’on aurait un aspect suranné en portant des vêtements ou même des ornements de robes déjà connus (…) c’est une erreur (…) les changements procèdent par transitions, par lentes transformations, et plutôt dans l’ensemble que dans les détails. »

À propos des garnitures d’ailleurs :

« la mode ne prend pas la peine de fixer la date de ces innombrables détails et en abandonne le choix au goût particulier de chaque personne. »

De plus en plus de femmes savent « préparer leurs coiffures, bonnets, tailler et préparer tout au moins les pardessus et les robes de demi toilette ». Cette évolution, nous dit Mme Emmeline Raymond est liée à l’augmentation du coût de la main d’œuvre et « des sommes énormes exigées par quelques couturières de renom ». D’ailleurs, cela n’est pas compliqué car favorisé par le mode :

« Jamais la mode n’a été si favorable qu’en ce moment à ces diverses combinaisons car elle est fait de pièces et de morceaux : elle permet l’alliage de plusieurs couleurs, elle autorise les corsages qui diffèrent de la robe (…) »

Mme Emmeline Raymond évoque, par exemple la fortune du « corsage en cachemire » qui est commode parce qu’il peut être porté avec une jupe dépareillée (pour le moment, je ne visualise pas tellement à quoi ressemble ce fameux corsage en cachemire).

La rédactrice en chef de la Mode Illustrée appelle donc ses lectrices à la raison : mieux vaut, selon elle, mettre souvent une toilette à la mode que de dépenser trop pour laisser des tenues au placard. Seules des femmes frivoles et extravagantes pourraient reprocher à une femme aux revenus modestes, de s’habiller selon ses revenus, or l’opinion des personnalités moralement douteuses doit glisser sur les femmes raisonnables comme l’eau sur les plumes d’un canard. Ainsi Mme Emmeline Raymond ne voit pas plus de trois toilettes nécessaires dans la garde robe d’une Parisienne en été, le plus important étant de respecter les formes à la mode :

  • La toilette du matin (« pour les courses de ménage et d’emplettes ») : ce doit être « une robe en légère étoffe de laine grise, chinée ou rayée de noir« , « un petit paletot ou pardessus quelconque » (la garniture doit être simple : lacets noirs de laine ou une « ruche à la vieille » => ne me demandez pas, pour l’instant je ne sais pas ce que c’est), et d’un chapeau en grosse paille grise « avec de gros rubans vert, bleu ou à carreaux écossais ».
  • La toilette de visite intime (ou demi toilette) : elle est en alpaga ou en mohair « gris argent ou havane clair ». Le pardessus est pareil à la robe et la garniture est un peu plus élégante que celle de la toilette du matin (passementerie ou broderie en soutache ou lacets de soie). Le chapeau est de crin noir ou de couleur.
  • La toilette de visite ou de promenade plus parée est plus ou moins riche en fonction des moyens de la dame. Elle est en « poil de chèvre de nuance unie ou fond blanc avec des carreaux ou rayures » : la garniture est en soie et doit être impérativement (!) de même nuance que la couleur des rayures ou des carreaux. Cette toilette de visite plus parée peut également être en « foulard uni ou bien à dessins », en « grenadine de laine », en « taffetas léger de nuance claire » ou encore en « organdi imprimé ». On la porte avec un chapeau plus élégant en crin blanc ou en paille blanche de fantaisie ornée de plumes ou de fleurs. Il convient d’ailleurs de noter ici que c’est le seul chapeau que l’on orne. De bon matin, une Parisienne comme il faut selon Mme Emmeline Raymond ne porte pas de plumes à son chapeau : une vraie Parisienne ne doit jamais être trop parée tôt dans la journée (la toilette du matin reste donc sobre et peu ornée). Par ailleurs, en été, on ne porte, a priori, pas de soie (les soieries légères sont surtout réservées au printemps et à l’automne).

Selon notre rédactrice en chef, ces trois simples robes de journée peuvent suffire pour toute une saison. Elle ajoute d’ailleurs qu’on « trouve toujours, parmi les robes de la saison précédente, au moins l’une de ces trois toilettes ». « Le secret des parisiennes consiste à n’avoir point de robes qui fassent double emploi », sinon on ne sait plus laquelle mettre, les robes restent au placard, et où va le monde ma bonne dame !?

Ajoutons que si elle est riche, la Parisienne peut supprimer un échelon et sa demi toilette (j’imagine donc qu’il s’agit de la toilette de visite intime) devient sa toilette du matin.

Pour l’hiver, la toilette du matin doit être en tissu simple, solide et de couleur modeste afin de « passer inaperçu » (cela semble indispensable à Mme Emmeline Raymond de passer inaperçu) et de braver les intempéries. En outre Mme Emmeline Raymond nous indique que la toilette de visite qui circule à pied n’est pas aussi parée que la toilette de visite qui circule en voiture (à cheval, cela s’entend).

  1. À pied il convient d’être simple et sobre même si l’on porte de riches soieries et des dentelles. Les nuances doivent être foncées, les gants en teinte demi-claire et on s’accompagne évidemment d’un parapluie.
  2. En voiture, la toilette de visite peut être un peu plus parée, mais attention tout de même à ne pas faire sapin de Noël ! Ce petit paragraphe au sujet des tenues de visite portées en voiture m’a bien fait rire :

« Quant aux toilettes de visite circulant en voiture elles atteignent en ce moment des limites d’excentricité qu’il sera difficile de dépasser : ce sont des costumes empruntés à tous les siècles, à tous les pays, surchargés de verroteries, de couleurs tranchantes, ouverts et relevés par devant sur des jupons de soie, de nuance vive, garnis de volants de dentelle, ornés de glands, de perles, enfin défiant toute analyse. Je n’ai pas besoin d’ajouter que la véritable Parisienne, j’entends celle qui n’aime pas à faire concurrence aux dames qui composent, le jour du mardi gras, la suite du bœuf couronné, se préserve soigneusement de ces toilettes trop caractéristiques, et ne pense pas que sa voiture soit l’asile inviolable de toutes les excentricités (…) « 

Une Parisienne économe n’achète pas de toilette d’intérieur. Mme Emmeline Raymond nous apprend que c’est « la mode des vestes qui permet d’user chez elle les jupes des robes du matin ou des robes de visite qui ne peuvent plus affronter le grand jour ». « La veste de drap ou de cachemire dure fort longtemps, et compose, avec une jupe quelconque, un costume d’intérieur parfaitement convenable ».

Contrairement à ce que je croyais les tenues de jour reçoivent un soin plus empressé que les toilettes du soir, car elles « sont destinées à un service actif ». À plusieurs reprises Mme Emmeline Raymond nous dit que si la toilette du matin « ne peut plus affronter le grand jour il faut la remplacer par un tissu solide (popeline de laine et soie ou bien toile de laine). Il faut payer cette robe au moins 40 ou 45 francs car « à ce prix la robe pourra remplir les fonctions fatigantes qui lui sont assignées pendant 3 hivers au moins ». On voit donc qu’il n’est pas question de changer de toilettes à toutes les saisons. Les toilettes fatiguées qui ne peuvent plus « affronter le grand jour » sont conservées pour les journées d’hiver rigoureuses où il faut absolument sortir : « on revêt l’ancienne toilette du matin pour ménager la fraîcheur de celle qui lui a succédé ».

Mme Emmeline Raymond nous dit aussi que l’on peut utiliser une toilette de visite pour en faire une toilette du matin « en enlevant les garnitures trop ambitieuses, trop compliquées ».

Les toilettes de visite en hiver sont des robes en taffetas noir ou foncé ou en soierie brochée. Lorsqu’elles « ont perdu leur fraîcheur », elles peuvent être transformées en toilettes de spectacle :

Une parisienne ne mettra pas une robe neuve pour aller au théâtre ; elle n’exposera pas cette robe à être froissée dans les places toujours trop exiguës que l’on accorde aux spectateurs, mais elle saura embellir sa toilette par un joli chapeau, un châle, ou bien un mantelet et des gants de couleur claire. »

Les toilettes du soir

  • Les toilettes de dîner sont confectionnées dans des tissus de nuance claire ou demi-claire. Les vieilles femmes portent le corsage montant, les corsages des jeunes femmes sont, quant à eux, « décolletés et accompagnés d’un fichu ou d’une veste fichu à manches demi-longues en tulle et dentelle pour les jeunes femmes ». « Les jeunes filles mettent en toute circonstance des corsages blancs, montant ou demi décolletés avec ceintures et corselets ; quant à la robe les nuances grises, abricot, bleu clair, mauve, vert clair sont indifféremment admises. » Cette mention de « ceintures et corselets » m’a un peu étonnée pour la période du début des années 1880 et je ne parviens à visualiser de quoi il s’agit.

Il faut noter qu’en hiver c’est la couleur d’une robe qui marque son degré d’élégance : plus la teinte est claire et plus on est parée, même si l’étoffe foncée est riche.

  • Les toilettes de soirées sont comme les toilettes de dîner sauf qu’elles sont décolletées et portées sans fichu. Il faut distinguer les toilettes de soirée des toilettes de bal (les unes ne dansent pas et les autres dansent). Ici Mme Emmeline Raymond se fend d’un petit laïus sur les règles de décolletés au théâtre et à l’opéra (qui mériteront à elles seules une recherche). Celles-ci sont très strictes : à l’Opéra français et au Théâtre Italien les premières loges doivent être en toilette de bal tandis que cette toilette de bal serait déplacée dans l’amphithéâtre où il convient de porter d’élégantes toilettes de ville avec un chapeau en tulle blanc ou en tulle de couleur. Dans des théâtres un peu moins importants, mais importants quand même, la toilette de bal n’est plus de rigueur, mais les premières loges doivent tout de même porter des corsages décolletés. Dans tous les théâtres de moindre importance il est impossible d’exhiber des corsages décolletés. On sera donc prévenu pour la bienséance !

Les toilettes de dîner et de soirée peuvent être composées avec des éléments empruntés aux toilettes de jour d’été, à la condition expresse qu’ils soient de teinte claire. Pour les jeunes filles Mme Emmeline Raymond conseille des jupes claires, associées à un corsage blanc, une ceinture large à haute boucle ou une ceinture à basques ou à pans. Ces corsages blancs semblent être adorés par notre rédactrice qui précise qu’ils peuvent, à la rigueur être portée jusqu’à 35 ans si l’on a la taille fine, et parfois même jusqu’à 40 ans, lorsque la dame est très mince. Pour les tenues du soir, la mode favorise apparemment l’usage des garnitures de couleurs tranchantes (voyez pourquoi j’aurais aimé avoir une indication précise de la date de publication de ces chroniques !). Les tenues de dîner et de soirée des jeunes femmes sont composées de « tissus de fantaisie blancs » : une étoffe légère avec des ornements plus ou moins compliqués en taffetas bleu, cerise, bouton d’or, rose ou rouge avec un entre-deux noir « en imitation » (?) pour atténuer la teinte de l’ornement (une jeune fille peut adopter les mêmes combinaisons mais sans l’entre-deux noir).

Notez que d’un point de vue couleur, il faut abandonner le rose pendant l’époque qui marque la transition de la jeunesse à l’âge mûr.

Voilà pour les prescriptions de Mme Emmeline Raymond pour les diverses toilettes de la journée. La deuxième partie de cet article sera réservée à la lingerie, aux jupons et aux accessoires.

Toutes les mentions entre guillemets sont des citations tirées de Le secret des Parisiennes, suivi de Mélanges, par Mme Emmeline Raymond, Bibliothèque des mères de famille, 1883 (2e édition). Source : Gallica.

Lire la 2ème partie de l’article

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Le mythe de la Parisienne en 1880 – Généralités

Paris Charmant, janvier 1881, n°1, BNF

Avec cet article (et ceux qui vont suivre) j’inaugure une nouvelle catégorie sur ce blog : Histoire du costume. Je me propose de ranger, dans cette catégorie, le résultat de mes recherches concernant le costume historique (et je préfère d’ailleurs parler de mode, car il faut garder à l’esprit que toutes ces robes qui nous font rêver aujourd’hui vivaient leur vie de robe, étaient maintes fois reprises et mises au goût du jour).

Mes centres d’intérêts en tant qu’ancienne étudiante en histoire de l’art portent sur la naissance des avant-gardes, qu’elles datent de 1870, 1910 ou 1960. Je suis fascinée par la formation des avant-gardes, et on ne peut pas étudier une avant-garde sans observer la société qui l’a vue naître. À cet égard la deuxième moitié du XIXe siècle m’intéresse beaucoup : non seulement parce que la mode de cette époque me plaît, mais aussi parce que les bouleversements dans la société, l’art et la littérature sont assez passionnants. Il est donc probable que mes recherches en rapport avec le costume porteront principalement sur cette deuxième moitié du XIXe siècle (chacun son dada ^^).

La Parisienne, what else ?

Comme je l’avais déjà évoqué sur ce blog, j’ai envie de me pencher sur la garde-robe des femmes en 1880. En parallèle de mon projet de polonaise qui avance tranquillement, j’ai donc commencé à faire des recherches de périodiques de mode des années 1879 à 1881 sur les ressources numérisées de la BNF : Gallica. Ce site est une mine d’or quand on ne cherche rien de précis et je suis donc tombée, complètement par hasard, sur un livre passionnant dont je devais à tout prix vous parler :

Le secret des Parisiennes, suivi de Mélanges, par Mme Emmeline Raymond, Bibliothèque des Mères de famille, 1883 (2e édition).

Cette Mme Emmeline Raymond est une rédactrice la rédactrice en chef de la revue « La Mode Illustrée« , et le texte qui nous intéresse (Le secret des parisiennes) semble être une compilation de chroniques publiées dans la-dite revue. Ce qui m’ennuie c’est que je ne connais pas la date de parution de ces textes dans la Mode Illustrée. Je doute qu’ils soient antérieurs à 1880, mais la question a son importance, vous le verrez dans le prochain article, parce qu’elle y décrit la garde-robe indispensable d’une vraie Parisienne.

Paris Charmant, janvier 1881, n°1, BNF
Paris Charmant, Périodique mensuel illustré de littérature et de modes, janvier 1881, n°1
Source : Gallica
Voilà une autre découverte Gallica : ce périodique du numéro de janvier 1881 à juillet 1881. Malheureusement le périodique est en espagnol que je ne sais absolument pas parler.

Avant d’entamer la question de la garde robe (qui nous intéresse particulièrement ici), j’aimerais revenir sur ce mythe de la Parisienne que l’on connaît sans connaître. Si je m’en réfère au texte écrit par Françoise Tétart-Vittu dans le catalogue de l’exposition L’impressionnisme et la mode, qui a eu lieu au musée d’Orsay l’hiver dernier, l’idée de la Parisienne naît dans les années 1863-1869 et est associée à un côté canaille. Dans les années 1874 et 1875, Renoir puis Manet peignent la Parisienne et l’élèvent au rang de l’élégance suprême. Dans les années 1880 l’archétype de la Parisienne est bien établi toujours selon Françoise Tétart-Vittu, il n’est donc pas étonnant de le retrouver dans les chroniques de Mme Emmeline Raymond. Pour ma part je croyais que l’élégance de la Parisienne signifiait qu’il s’agissait d’une femme coquette, toujours à la pointe de la mode, qui étrennait de nouvelles toilettes à chaque sortie. Sur ce dernier point Mme Emmeline Raymond m’a très vite détrompée en notant bien qu’il y a Parisienne et Parisienne. Il y a la Parisienne cocotte et flambeuse et il y a la Parisienne économe. Or, la vraie Parisienne, c’est cette dernière (en tout cas selon Mme Emmeline Raymond).

« Quand on habite loin de Paris, on s’imagine volontiers que la mode change chaque jour, et que l’on aurait un aspect suranné en portant des vêtements ou même des ornements de robe déjà connus (…) »

Pourtant, c’est parfaitement faux. Ce texte tiré de « La Mode Illustrée » nous fait donc prendre conscience qu’une vraie Parisienne use ses robes jusqu’à la moelle. Elle reporte les mêmes toilettes encore et encore en restant pourtant à la pointe de la mode.

« La principale condition à observer, si l’on veut agir avec l’habileté qui caractérise les Parisiennes, est d’abord de n’acheter que le strict nécessaire, en fait de toilettes, et de porter ces toilettes dès qu’elles sont faites, c’est à dire pendant qu’elles sont à la mode. (…) Point de provisions en fait de toilettes ! (…) Les personnes qui sont disposées à faire des accumulations inutiles sont toujours mal vêtues car elles adoptent une mode quelconque, seulement au moment où les autres femmes, mieux avisées, l’abandonnent pour suivre les prescriptions de la mode nouvelle. »

Les Parisiennes préfèrent donc des robes simples, de couleurs sobres qui vont avec tout et aux garnitures simples qui les préservent « des bouleversements trop soudains ». Tout cela est possible car « les changements procèdent par transitions, par lentes transformations, et plutôt dans l’ensemble que dans les détails du costume », c’est ainsi que l’on transforme volontiers les quelques robes que l’on possède afin de les mettre au goût du jour. C’est une époque où les femmes ont appris à modifier les garnitures pour pouvoir renouveler leurs vêtements démodés. Mme Emmeline Raymond indique que les tâches des femmes ont changées. Avant elles brodaient pour faire des choses très belles et inutiles tandis qu’aujourd’hui (en 1883) elles cousent plutôt qu’elles ne brodent car « l’utilité est la devise de notre siècle ». Si ce développement de la couture domestique joue un rôle important dans l’économie des ménages, la rédactrice de « La Mode Illustrée » estime que ce « travail utile retient une femme au logis » en la préservant des tentations et en lui apprenant à aimer et à s’occuper de sa maison.

Ainsi la vraie Parisienne selon Mme Emmeline Raymond est raisonnable et économe, mais de quoi doit être constituée sa garde robe de base ? Comment parvient-elle à être toujours élégante ? C’est ce que nous verrons dans la suite de cet article…

Paris Charmant, juin 1881, n°6, BNF
Paris Charmant, périodique mensuel illustré de littérature et de modes, juin 1881, n°6
Gravure tirée du même périodique en espagnol, mais le numéro de juin. Moi qui m’interrogeais dernièrement sur les costumes de bain de début 1880 je suis aux anges. :-)

Lire la 2ème partie de l’article

Lire la 3ème partie de l’article

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Du vide dans mes armoires

Tournure bleue détail du corsage

L’heure étant aux économies, j’ai décidé de me séparer de quelques uns de mes premiers costumes pour lesquels j’ai une certaine tendresse, mais que je ne remettrai probablement plus.

L’occasion pour moi de vous parler d’un boutique dédiée au costume qui a ouvert à Paris en mai, puisque c’est là-bas que je déposerai mes costumes à vendre.

Il s’agit de Temps d’Élégance (dont le site internet est encore en construction : http://tempsdelegance.com/). La boutique (au 2 rue Gabriel Laumain dans le 10e arrondissement parisien) propose tout un tas de choses pour les amoureux de costumes (historiques ou non) : des costumes neufs ou d’occasion, des accessoires, des bijoux, des plumes, des épingles à cheveux, du tissu, des ombrelles, encore des plumes. Bref, c’est un lieu qui centralise un grand nombre de choses dont on peut avoir besoin quand on veut se costumer. L’initiative est belle, du coup je vais la soutenir modestement en y déposant des petites choses.

Voici ce dont je vais me séparer :

=> ma robe à crinoline jaune (sans le jupon à cerceaux) (portée deux fois) VENDUE

Crinoline jaune devant

Crinoline jaune dos

Crinoline jaune détail des boutons

Crinoline jaune manche

Crinoline jaune détail du col

Crinoline jaune défaut du devant

=> mon tout premier corset victorien à goussets (porté deux fois)

Corset victorien devant

Corset victorien endroit

Corset victorien envers

=> le corsage, le tablier et la sur-jupe bouillonnée de ma tournure de bal (sans jupe et sans faux cul) (portée une fois) VENDU

Tournure bleue détail du corsage

Tournure bleue devant

Tournure bleue côté

Tournure bleue dos

Tournure bleue détail dos

J’ai un peu de repassage à faire et je dois encore recoudre 2-3 crochets qui se sont faits la malle, et je dépose tout ça chez Temps d’Élégance le plus rapidement possible !

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Voyage au temps des machines à vapeur

Journées du patrimoine Ajecta 3

À l’occasion des Journées du Patrimoine et des 100 ans de l’AJECTA, j’ai participé à une animation costumée du Ministère des Modes à Longueville au milieu des trains et locomotives à vapeur ce dimanche.

Je n’ai pas encore récupéré toutes les photos, mais voilà un petit aperçu de la journée.

Journées du patrimoine Ajecta 1
Notre petit groupe (de droite à gauche, Kathia, Frédérique, Agnès, Priscille et moi)
Crédit photo : Agnès B.
Journées du patrimoine Ajecta 2
Crédit photo : Agnès B.

J’essayerai de mettre davantage de photos un peu plus tard. En attendant, je vous promets que je me mets à mon caraco XVIIIe très bientôt. ^^

Edit : Comme promis, voilà quelques photos supplémentaires. Merci à Prospero/Jean H (le cher et tendre d’une autre passionnée de costumes) qui a eu la gentillesse de nous tirer le portrait :

Journées du patrimoine Ajecta 3
Crédit photo : Prospero
Journées du patrimoine Ajecta 4
Crédit photo : Prospero
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Tournure de bal 1882/85

Tournure de bal 3/4

Pour réutiliser ma jolie jupe de tournure en soie sauvage, j’ai voulu faire une variante de bal qui a un peu été faite au pifomètre avec un tissu synthétique stretch horrible à travailler, mais pas cher.

Je n’aime pas trop le résultat. J’y ai fait quelques modifications, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de tout réessayer.

Tournure de bal 3/4

Tournure de bal devant

Tournure de bal dos

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Tournure de jour 1882/85

Tournure rouge dos

À force de coudre des costumes sans occasion particulière, je me suis dis qu’il était quand même temps de les porter, raison pour laquelle j’ai rejoint Le MInistère des Modes, association qui organise ou participe à des sorties costumées. Et il y a une sortie qui me faisait particulièrement envie : les journées de la vapeur organisées par l’AJECTA (photos).

Elle a lieu en septembre prochain, mais j’avais envie de me faire une tournure alors j’ai pris de l’avance. Pour cette tournure de jour je me suis inspirée de diverses gravures comme celle-ci par exemple (le modèle de droite) :

Gravure 1885
Crédit : Femmes en 1900

Le corsage est celui du modèle du patron Burda bien connu.

J’ai utilisé de la soie sauvage et de la dentelle ancienne récupérée pour la jupe et un tissu synthétique damassé pour le haut et le bouillonné.

Tournure rouge dos

Tournure rouge devant

 

 

Ici on remarque que le devant rebique mais j’ai réglé le problème. Les gants anciens m’ont été prêtés par ma cousine, mais ils sont un peu trop grands pour moi.

Tournure rouge côté

 

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