Comme je vous le disais en début de semaine, j’ai eu la chance d’être invitée jeudi dernier à l’inauguration de la nouvelle exposition du Palais Galliera « La Mode retrouvée : Les robes trésors de la comtesse Greffulhe » qui est à l’affiche jusqu’au 20 mars 2016.
J’étais vraiment très très contente de recevoir mon carton d’invitation et j’avais hâte de la découvrir. Contrairement à certaines connaissances du milieu du costume qui n’avaient pas aimé l’exposition Jeanne Lanvin, j’avais trouvé au contraire qu’elle était efficace et j’y avais pris beaucoup de plaisir. Je suis un peu plus mitigée concernant cette exposition.
Quand la comtesse prend vie
L’exposition s’attache à présenter pour la première fois au public une partie de la garde-robe extraordinaire de la comtesse Greffulhe que ses descendants ont donné au Palais Galliera. Personnage intriguant, la comtesse a été follement admirée en son temps par nombre de personnalités remarquables comme Marcel Proust ou Gabriel Fauré (qui lui a dédié le morceau Pavane) et l’exposition rend assez bien compte, à mon sens, du personnage qu’elle était. Les riches toilettes, les photographies, les documents d’archives (comme ce testament qu’elle a rédigé très tôt après la mort de sa mère), les extraits d’œuvres qu’elle a inspirées, tout ceci produit un portrait kaléidoscopique assez poétique de cette personnalité qui semblait vraiment hors du commun.
Muse de Marcel Proust qui a créé le personnage de la Duchesse de Guermantes à son image dans À la recherche du temps perdu, la comtesse Greffulhe (dont je n’avais jamais entendu parler) semblait vraiment extraordinaire et c’est assez émouvant de la voir bouger dans ce morceau de film tourné sur son balcon qui est projeté dans l’exposition.
Pourtant il me semble que l’exposition passe un peu à côté de son propos. Dans le dossier de presse (dont je vous conseille la lecture ici), les goûts originaux voire excentriques de la comtesse en matière de mode sont beaucoup évoqués sans qu’il ne soit possible pour le visiteur moyen de comprendre en quoi. On nous dit que les robes de la comtesse Greffulhe sont comme les toiles qu’elle n’a pas peintes ou les musiques qu’elle n’a pas composées, mais ce processus de création est, je trouve, trop peu (ou trop maladroitement peut-être) mis en avant. Par ailleurs, il me semble assez peu efficace de ne montrer que des toilettes extraordinaires pour faire comprendre à un public non habitué qu’elles sont effectivement extraordinaires. Les expositions de mode étant assez largement tournées vers le luxe et les toilettes d’exception, je ne vois pas comment on pourrait avoir une idée juste de la mode d’une époque sans donner au moins une idée des coupes et des matières du quotidien. Pour que la comtesse puisse effectivement briller, il aurait fallu peut-être davantage la comparer à ses contemporaines (même si Proust estime qu’elle est incomparable puisqu’il n’existe personne d’autre comme elle).
Pour moi le Palais Galliera ne nous offre pas ici une exposition de mode, mais l’évocation d’une personnalité. L’évocation fonctionne, la magie a opéré sur moi, mais le contenu est, lui, malheureusement absent.
Des robes dans la pénombre
Le gros point noir de l’exposition, souligné par toutes les personnes avec qui j’en ai discuté, est sans conteste l’éclairage. Les cartels des robes sont posés au sol ce qui oblige à se pencher très bas (et pourtant je suis petite) et de côté sous peine de faire de l’ombre. Le confort de lecture des cartels est donc très mauvais et les robes elles-mêmes sont assez mal éclairées : on peut tourner autour d’une robe de jour de 1887, mais le dos n’étant pas éclairé on ne voit pas grand chose. C’est dans la première salle que l’éclairage est le plus désagréable cependant, j’ai l’impression qu’il s’améliore un peu dans les salles suivantes.
Je précise ici que j’ai visité l’exposition de nuit et que c’est peut-être un peu moins pénible de jour (raison pour laquelle j’aimerais y retourner un dimanche matin). Si vous vous rendez au Palais Galliera pour voir l’exposition, je vous conseille donc, dans le doute, de le faire en journée.
En définitive je suis assez partagée sur cette exposition, que j’ai trouvée poétique (j’ai vraiment eu plaisir à retrouver des extraits de la Recherche et de Pavane parce que ce sont deux œuvres très chères à mon cœur), mais qui me frustre un peu dans son contenu. Depuis la réouverture du Palais Galliera et les trois expositions que j’y ai vues (Les années 1950, Jeanne Lanvin et celle-ci) je commence à avoir envie d’un peu plus de dimension dans les expositions proposées par le musée, c’est-à-dire davantage de contenu scientifique et peut-être un peu moins de spectacle et de belles robes pour les belles robes. L’intérêt d’une exposition temporaire est, à mon sens, de donner à voir sous un jour nouveau et d’adopter un angle sinon inhabituel du moins qui questionne le visiteur. J’espère donc que ce désir sera entendu dans les expositions futures. 😉
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Rhah comme je te rejoins sur ta conclusion ! Galliéra a une collection fantastique, et le temps de préparer des expos pointues. Celle-ci c’était creux, mais creux… C’est tellement décevant après les crinolines ou les années 20 qui étaient incroyablement riches. Clairement ça manquait de mise en contexte – j’aurais aimé une robe de mariée de l’époque à côté de la robe du mariage de sa fille pour réellement rendre compte d’à quel point elle lui volait la vedette ! (c’est peu dit dans l’expo elle-même, d’ailleurs). A mon sens il manquait une mise en contexte, et une dimension critique : voir la photo de la comtesse entrouvrant son manteau de cygne pour faire voir sa robe du soir, juste après avoir vu à Orsay la Belle Otéro dans une pose similaire et pour ainsi dire « nue » sous la cape, ça m’a frappée quand même. J’ai l’impression que la scénographie voulait rendre compte de cette mise en scène volontaire, mais ça n’allait pas assez loin.
Pour la lumière, pas de lumière naturelle de jour non plus, c’est affreux, je me suis sentie réellement handicapée et j’ai du demander à Delphine de me lire les cartels. La salle m’a parue aussi très difficile à naviguer pour une personne en fauteuil roulant, certaines vitrines horizontales leur sont inaccessibles – et posées sur des tréteaux qui bougent, bonjour l’angoisse de la maladroite que je suis.
Ah je n’ai pas encore vue l’expo d’Orsay, du coup j’y ferai attention quand j’irai !
Excellent article Lucie 😉 C’est un plaisir de lire tes lignes personnelles. Je vois que nous avons vibrées toutes les deux devant la comtesse bouger dans le morceau de film. Mon compagnon n’a pas compris pourquoi je m’attardais sur ce film et non les tuniques juste derrière hé hé.
Il faudra vraiment que Galliera choisisse mieux le scénographe car je te rejoins sur le dossier de presse: ce n’est qu’en lisant celui ci que j’ai compris la logique de l’exposition…. bien après l’avoir visité dommage dommage
Merci Marie-Laure ! 🙂
Pour une « mise en contexte », il faut lire la passionnante biographie de Laure Hillerin : « La comtesse Greffuhe, l’ombre des Guermantes » (Flammarion, 2014).
Outre la vie fascinante et romanesque de cette femme hors du commune, on y trouve également une partie très intéressante consacrée à Marcel Proust, ses relations avec lui, et la façon dont elle a inspiré son œuvre.
Toutes les informations et actualités sur ce livre et sur la comtesse sont disponible sur le site web : http://www.comtessegreffulhe.fr/
Merci Manon 🙂