Je vous l’avais déjà dit, faute d’inspiration pour ce challenge n°4, Guerre et Paix, j’ai décidé de vous faire un post d’histoire de la Mode. Je vous propose donc une courte revue des modes en 1872 qui parle beaucoup des conséquences de la guerre contre la Prusse sur la mode parisienne.
Les magazines de mode de l’année 1872 que j’ai pu lire (grâce à Gallica) sont encore tous très fortement marqués par la guerre de l’année passée et la mode est toujours au noir. Dans le n° du 31 janvier 1872 de La Fantaisie Parisienne on peut lire :
« Les modes parisiennes, parfois si extravagantes, ce sont rangées sous la bannière du deuil. Toutes les toilettes sont noires, car tous nos cœurs sont encore endoloris. »
Ou encore dans La Sylphide du 10 février 1872 :
« Le noir continue à jouir des faveurs de la mode. Il s’est impatronné chez nous. Il va avec la tristesse de nos pensées et la souffrance de nos cœurs. Les femmes veulent bien encore être belles, mais avec du noir, et si elles s’amusent, elles mettent comme un crêpe à leurs plaisirs. »
Pourtant dans La Fantaisie Parisienne on exhorte (dans le même numéro de janvier) les femmes à le quitter pour stimuler l’économie textile française :
« Quittons ce deuil, mes chères lectrices, par trop économique pour tous ceux qui vivent de notre admirable industrie, source de richesses de la France. »
Récupérer l’Alsace-Lorraine
Ces deux magazines, La Fantaisie Parisienne et La Sylphide, nous montrent également que la perte de l’Alsace et de la Lorraine est un fort traumatisme. Dans les numéros de février de La Sylphide la rubrique « Modes » évoque à plusieurs reprises les souscriptions nationales et les élans patriotiques pour le rachat de la France. On nous dit que toutes ces dames élégantes et patriotes font des pieds et des mains, allant de porte en porte, pour recueillir de l’argent visant à restaurer la grandeur de la France.
Dans La Fantaisie Parisienne (n° du 31 janvier 1872) on nous parle également d’une nouveauté patriotique de la mode : « les bijoux Alsace-Lorraine ».
« Vous pouvez avoir pour 20 à 25 francs de délicieux boutons de manchettes, des bagues, des broches, etc, avec l’écusson de la France, de l’Alsace et de la Lorraine. Ces bijoux emblématiques sont d’un goût pur et très artistique et sont appelés à avoir un grand succès. »
Le numéro du 15 février du même magazine parle toujours des bijoux Alsace-Lorraine, pourtant je n’ai, jusqu’à présent, pas trouvé de mention de ces objets dans d’autres magazines de l’année (notez que comme ce n’est pas ma période de recherche, je n’y ai pas passé beaucoup de temps). Cela dit l’existence de tels objets n’a rien d’étonnant, rappelez-vous ma photo des boutons patriotiques de la Seconde Guerre Mondiale exposés aux Arts Décoratifs.
Voilà, c’était un court article parce que je n’ai pas le temps de plus me pencher sur la question, même si elle est passionnante. N’hésitez pas à m’indiquer en commentaire si vous en savez plus sur ces accessoires patriotiques de 1872. Bonne fin de semaine à toutes et tous, je vous laisse avec quelques liens qui pourront vous plaire.
Plusieurs belles gravures de mode des années 1870 de la collection Maciet conservée aux Arts Décoratifs. Ici d’autres images de la même collection.
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Très intéressant ! Comme quoi, les guerres finissent toujours par l’emporter. J’ai lu que celle de 1914 avait entre autre permis l’émergence de la « petite robe noire ». Etant donné le grand nombre de veuves parcourant les rues, il aurait été indécent pour une femme de porter du rose bonbon. La robe est passée dans les mœurs en perdant ensuite son coté purement signe de deuil 😉
C’est intéressant, en effet, d’observer l’impact direct des guerres sur la vogue du noir. Je discutais de cela avec une américaine rencontrée à Trouville l’année dernière qui ne savait pas trop à quel moment et par quels processus le noir était passé du statut de couleur du deuil à couleur à la mode. Cependant dans un article, Audrey évoquait l’étiquette du deuil autour de 1850 et 1860 et il n’était pratiquement pas fait mention de la couleur si je me souviens bien, les matières prévalant largement. Il y a je pense une bonne étude à faire sur la question de la place du noir dans la mode ! (à moins que ça n’existe déjà ?)
Bonsoir,
Je viens d’écrire un livre qui s’intitule « L’Art patriotique face à l’annexion – Alsace-Lorraine, 1870-1918 » Editions du Quotidien, 2015;
Je présente quelques 400 bijoux (Orfèvres de Nancy et de Paris) et objets « du quotidien » qui illustrent un phénomène de mode « patriotique » qui a débuté en 1871 et perduré jusqu’en 1918.
Bruno FERRY
Merci Bruno, c’est un sujet très intéressant !