Du poids des jupes

Fashion of the Gilded age vol 1

En arrêt maladie ces deux derniers jours et ne pouvant pas faire grand chose d’autre que rester avachie dans mon lit ou mon canapé, j’en ai profité pour commencer la lecture de mes Fashions of the Gilded Age de Frances Grimble. Une mention dans le volume 1 m’a interpellée, je vais donc partager cette « découverte » avec vous.

« Next to this come the corset, or if it is not worn a bodice that serves as a skirt supporter. If a corset is worn, it should never be laced tightly, should always have shoulder straps of some sort (…). The bodice, if adopted instead of a corset, should fit the body loosely and have rows of buttons around the bodice by which to suspend all the skirts that may be worn, so that their weight depends on the shoulder instead of resting upon the hips. As few skirts should be worn as possible (…). »

Cette citation du livre de Frances Grimble est elle-même tirée de : Duffey, Mrs E.B., Ladies’ and Gentlemen’s Etiquette: A Complete Manual of the Manners and Dress of American Society, Philadelphia, Henry t. Coates & Co., 1877.

Pour les non anglophones je vais vous la traduire grossièrement (sachant que je ne suis vraiment pas la reine de l’anglais ni de la traduction) :

« Par-dessus cela vient le corset, ou s’il n’est pas porté un corsage qui sert de support pour la jupe. Si un corset est porté, il ne devrait jamais être lacé trop serré, il devrait toujours avoir des bretelles ou un genre de bretelles (…). Le corsage, s’il est adopté à la place d’un corset, doit être assez lâche et avoir des rangées de boutons autour du corsage par lesquels suspendre toutes les jupes qui peuvent être portées, afin que leur poids pèse sur les épaules au lieu de reposer sur les hanches. Aussi peu de jupes qu’il est possible devraient être portées (…). »

Plusieurs choses m’intéressent dans ce court passage. Déjà il semble, qu’aux États Unis au moins, il soit loin d’être impératif de porter un corset sous ses vêtements. Ensuite la mention de « bretelles » au corset m’interpelle vraiment parce que je n’ai jamais vu de patrons de corset de la période qui m’intéresse (1877-1882), ni même antérieurs avec des bretelles. Il me semble que l’immense majorité des corsets du XIXe ne possède pas de bretelles et repose donc de facto, principalement sur les hanches.

Ensuite je m’interroge sur ce corsage pouvant remplacer le corset. Il s’agit d’un vrai corsage (qui ressemble un peu à un cache-corset je trouve) et qui possède donc des bretelles. Cela paraît donc faire sens que des boutons y soient ajoutés pour que le poids des jupes soit en partie supporté pour les épaules. Mais dans le cas où on porte un corset (donc sans bretelles a priori), le poids des jupes est soutenu comment ? Le passage ne mentionne pas de boutons sur le corset pour soutenir les jupes. J’ai déjà vu plusieurs exemples de corsets XIXe possédant un crochet à l’avant (et peut-être aussi à l’arrière ?), mais il est dans le mauvais sens. Je m’explique…

corset 1876 MET
Corset français, environ 1876.
Conservé au Metropolitan Museum of Art

Vous remarquez le crochet positionné sous la ligne de taille sur l’avant du corset. Positionné dans ce sens là il paraît plus présent pour empêcher les jupons de remonter ou pour retenir un laçage plutôt que pour soutenir le poids de quelque chose. Donc le crochet ne nous est pas de grande utilité pour soutenir les jupes et si boutons il y avait sur le corset je n’en ai jamais vu d’exemples conservés. D’ailleurs, ceux-ci ne seraient pas de grande utilité puisqu’il n’y a pas de bretelles pouvant aider à soulager les hanches du poids des jupes. On peut donc supposer qu’il y a un système de boutons sur le cache-corset ou même directement dans le corsage de la robe à proprement parler. En tout cas je n’en ai pas encore vu mention. Or en tant que « reconstituteurs »/ »costumiers » on ne peut pas négliger ce poids des jupes. Je n’ai encore jamais porté de robe Natural Form suffisamment longtemps, en revanche je peux vous dire que 3 heures de port d’une crinoline sont une torture pour mes hanches. Je ne sais pas comment font les costumières pour le supporter, ou peut-être que je suis une chochotte, n’empêche que tout cet attirail a un poids non négligeable. La lecture de ce passage m’aura en tout cas permis de prendre conscience qu’une solution doit être trouvée pour libérer les hanches du poids de tout ce tissu et je ferai une modification sur ma crinoline de bal à cet effet : je vais installer des boutons sur l’envers de mon corsage et des liens sur le haut de la jupe afin de la suspendre directement au corsage. Il faudra ensuite que je trouve une solution pour les jupons.

Cette longue parenthèse fermée, une autre partie de ce passage de 1877 m’intéresse, c’est l’allusion au nombre de jupes. D’après le livre de Frances Grimble il semble, en effet, que l’on portait peu de jupons sous ses jupes. Il n’est pas fait mention de « petticoat », c’est-à-dire de jupon (C’est une erreur de ma part, il y a bien quelques patrons de « petticoat » visant principalement à dissimuler du baleinage de tournure, mais il y a quand même quelques modèles de jupon de dessous), mais d' »underskirt » (sous-jupe, qui dépasse généralement en bas de la robe) et « overskirt » (sur-jupe, sur laquelle sont fixés les bouillonnés). J’aurais tendance à penser qu’il faut quand même au minimum une sous-jupe en guise de jupon, puis une sous-jupe et une sur-jupe assorties au corsage, mais c’est encore assez flou pour le moment.

Voilà pour le moment le fruit de mes lectures pour mon projet de garde-robe 1880. Si je ne suis pas trop fainéante aujourd’hui, je commencerai mon corset piqué de jeune fille…

EDIT : Grâce à l’aide d’Heileen, quelques exemples de corsets avec bretelles ici, , ou encore .

Cet article vous a plu ? Partagez-le !
facebooktwittergoogle_pluspinterestmail

3 Comments

  1. Le corsage porté à la place du corset me semble évoquer les corsages de bal qui sont très baleinés et portés (souvent) sans corset dessous. Je ne me rappelle pas avoir vu des boutons pour soutenir les jupes mais des crochets, oui. Et il est vrai qu’on voit peu de corsets avec bretelles à partir de 1840, pourtant il en existe. Intéssant, en tout cas !

Laisser un commentaire